Il était une fois. C’est bien comme ça que toute histoire de princesse commence, n’est-ce pas ? Peu importe l’issue, la finalité ou la morale qui peut s’en dégager au final. Il y a toujours une fois, pas deux. Il était une fois, donc, dans un pittoresque village, encore empreint des traditions aristocratiques, deux monarques déchus, Duc du grand Rien, Comtesse de l’Infini Néant, déplorant l’absence d’héritiers pour leur succéder à la tête de leur royaume de rien du tout.
La Dynastie De Buffeyrettes, dont le patronyme s’était immanquablement allongé au fil du temps et des nobles alliances, conservait se sa gloire passée un goût prononcé pour les phrases alambiquées, les décorations dorées et clinquantes et les meubles Louis XVI.
Après avoir passé des mois et des années à prier du Seigneur aux dieux païens de la fertilité, il y eut le miracle. Le vrai. Pour illustrer cette aube nouvelle, on nomma le prodige Aurore. Histoire de verser plus encore dans le cliché enseveli sous la mélasse. Aurore sur laquelle se penchèrent les fées du bonheur, toutes sans exception.
La Princesse était une petite fille douée et sensible, un brin artiste, rêveuse surtout, posée et délicate, faisant le bonheur extatique et manifeste de ses parents comblés. Summum de la perfection, elle alliait avec virtuosité les termes de sorcière et de Princesse, puisqu’elle en était une, d’un bord comme de l’autre. Les années passèrent et s’écoula le temps. La petite fille grandit sans se poser de questions, suivant docilement les conseils prodigués par ses précepteurs.

Il y eut finalement un second miracle. Nul ne sut vraiment pourquoi ni même comment. Ils intitulèrent le second phénomène Marie-Coquelicot. Aussi ridicule que cela puisse l’être. Marie-Coquelicot. Parce qu’il y en avait des champs remplis dans toute la propriété. Parce que c’était joli.
Et que de toute façon, certaines avaient des noms de fleurs. Marguerite. Pervenche. Rose. Alors pourquoi pas Coquelicot ? Comme les contes de fée de commençaient jamais deux fois, qu’ils étaient toujours exclusifs, on ne prit pas garde à Marie. On en oublia même d’inviter toutes les bonnes fées à son baptême, laissant à Maléficia le loisir d’arriver en fourbe et de réduire en cendres les vœux des autres.
Alors oui, Marie-Coquelicot serait jolie et gentille, elle saurait faire la cuisine, la couture et le ménage, oui Marie aurait des cheveux blonds comme les blés… Mais Marie n’aurait pas de cerveau. Ou jamais de jugement logique proche de la réalité. Cependant, le petit peuple ne put se rendre compte de son erreur que bien des années plus tard. Pour palier au problème, la dernière fée sembla lui offrir la fraîche candeur et l’innocence perpétuelle des jouvencelles (Même à 40 ans, oui oui). Et une jolie voix, histoire qu’elle ne saoule pas tout le monde en racontant des inepties.

La princesse Aurore et Marie-Coquelicot, princesse du royaume des poneys roses grandirent de concert malgré leur différence d’âge plus que flagrante. Marie en singea chaque mouvement à l’excès, vouant la plus grande admiration à son aînée la précédant de neuf longues années. On pardonna facilement à la cadette son manque de discernement concernant la réalité, plaçant cela sous le coup de la jeunesse.
Aurore était une princesse, tout ce qu’il y avait de plus authentique. Marie était la lectrice du conte, observatrice extérieure se rêvant à sa place, possédant sa beauté et interprétant ses aventures, les dragons en moins.
Mais elle rentra à Beauxbâtons, école surprenante peuplée de princes, de princesses, de licornes et de chevaux volants. Et Marie fut bien forcée de se choisir un modèle ailleurs. N’en trouvant nul vivant, elle plongea sans retenue dans les mondes de l’imaginaire. Elle baigna dans les dessin-animés moldus, les contes et légendes sorcières, la jouvencelle, innocente créature sans aucune pensée négative, se nourrissant tant bien que mal de ce que l’on voulait bien lui offrir, tout acquis qu’était le reste du monde à Aurore et son rayonnement. Sa grand-mère l’emmena à l’Eglise, au catéchisme, tout les Dimanche et Marie apprit que Dieu donnait puis reprenait comme il l’entendait, il ne restait au commun des mortels plus que le loisir simple de le satisfaire tant qu’ils le pouvaient encore. Et Marie-Coquelicot décida que chacun devait avoir sa part de bonté et qu’il ne tenait qu’à elle de la révéler, ne serait-ce que pour atteindre le Paradis.
Le temps de l’école vint à elle également, après qu’elle eut prouvé ses qualités de sorcière en colorant toute l’écurie familiale d’une teinte rose bonbon. Le Roi et la Reine n’en furent ni déçus ni satisfaits, ils eurent simplement ce sourire entendu qu’ils réservaient aux choses jugées normales mais néanmoins suffisamment rares pour qu’ils affichent un semblant d’émotion. Marie-Coquelicot mena seule sa barque, encore une fois, sans grande sœur pour la protéger des méchants quolibets. Marie-Coq, Marie-Candy, Candy tout court. La sous-princesse ne s’en formalisa point, elle leur servit sourire de connivence sur courbettes amicales, jugeant qu’il devait bien y avoir une raison pour une telle animosité à son encontre. Allergie aux coquelicots, enfance difficile ou manque de sucre, allez savoir. Pour le dernier, Candy, qui avait finalement adopté ce surnom stupide par référendum avec elle-même, en connaissait quelque chose. Bonbons et sucreries étaient (Et sont toujours) son péché mignon, sa grande faiblesse (Si tant est qu’elle puisse avoir autre chose que des faiblesses UU), après des années passées à enchainer les caries et les crises de foie, il fut décidé qu’elle n’approcherait plus de sucrerie aussi souvent qu’elle le souhaiterait. Régime de légumes et de fruits, racines et autres graines, le tout biologique, évidemment. Ce qui n’empêcha pas Marie de faire des réserves et de planquer le tout sous son lit dès qu’elle en avait l’occasion. Enfin, passons.

Puis Aurore s’était endormie. Comme ça. Enfin. Pas complètement comme ça. Mais bon. Aucun vrai baiser d’amour n’était venu effleurer ses lèvres livides. Aucun éveil après 100 ans n’était plus à espérer. Il s’en était fallu de tellement peu pour qu’elle bascule de l’autre côté du miroir fatal.
Une étourderie de Marie, l’indifférence des autres et Aurore qui n’aimait sa cadette que trop. Et c’était fini. On avait retrouvé la sous-princesse en haut de la falaise surplombant la mer et son ainée. Est-ce que pour l’empêcher de chasser les papillons trop loin, elle s’était jetée à sa place ? Est-ce que Marie avait fini par lui reprocher d’avoir tout et elle rien, jusqu’au Prince parfait en la personne d’Aramis ? A vrai dire personne n'est saura jamais rien et il est fort probable que la jouvencelle ait enfouit le souvenir bien loin dans son cerveau de poule. Bien trop loin pour que quiconque puisse le retrouver. Pas même elle.
Alors Marie était devenue la Princesse. Ou juste l’Héritière, comme ils se plaisaient à l’appeler. Le mot était assez moche, la consonance lui écorchait l’oreille. Cependant être la princesse requerrait le concours d’un Prince. Et nul jeune monarque ne se pressait à sa porte. Il y avait bien Aramis, le beau mousquetaire intouchable, mais il était à Aurore. Pour toujours. Article 12 Alinéa135 du code de la parfaite princesse. Nulle princesse digne de ce nom ne volera de Prince au cœur de ses semblables. Imaginez Jasmine avec Eric, Aladdin avec Mulan. N’importe quoi.
Candy pria encore le Seigneur, qu’il veuille bien lui pardonner de prendre la place de sa sœur, qu’il veuille bien lui offrir un prince à embrasser, une licorne, un poney ou peu importe, quelque chose de différent.
Et le Seigneur lui offrit St Barnaby en guise de nouveau départ. Projet intéressant, fascinant, pour certains…
Juste merveilleux, magique, pour Marie-Coquelicot. Dans un sens, tout l’était, dans le monde sorcier. Le choix de l'Université n'avait pas été bien compliqué pour Marie dont la scolarité, bien que parsemée de paillettes en tout genre, n'avait jamais été très brillante.
Mais la simple perspective de faire la connaissance de nouvelles têtes, de nouveaux princes et nouvelles princesses, l’idée de pouvoir étendre l’amour du Seigneur aux sorciers du monde, l’enchantait au plus haut point.
Tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil… Evidemment. Comme toujours. Sauf que St Barnaby n'est pas un cocon comme l'était Beauxbâtons et que personne ne lui courait plus après en couinant qu'elle aller se faire mal à force de chasser les papillons... Il y avait bien Aramis, toujours Aramis... Aramis à qui elle envoyait des poèmes enflammés, comme elle avait commencé à le faire avec tout les jolis garçons... Mais personne pour la protéger du monde.
Sauf que bon, Marie s'en fiche, le Seigneur veille sur elle.